Coups d’Etat militaires en Afrique de l’ouest : la CEDEAO, un colosse aux pieds d’argile

Coups d’Etat militaires en Afrique de l’ouest , la CEDEAO, un colosse aux pieds d’argile

Bien que dépeinte comme la meilleure organisation sous régionale, la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, CEDEAO, ne fait plus peur. En témoigne les récurrents renversements de l’ordre constitutionnel, qui s’enchainent dans les pays membres et les sanctions de l’organisation qui ne font plus mouche.

Réunis le 08 septembre en sommet virtuel, les dirigeants de la CEDEAO ont décidé de suspendre la Guinée de l’organisation régionale, à la suite du coup d’Etat militaire de dimanche.

Difficile maintien de l’ordre constitutionnel

L’organisation sous régionale interdit, dans ses principes, les coups d’Etat. Les pays qui en sont membres adhèrent donc à ce principe au risque de se voir infliger des sanctions qui peuvent les affecter profondément. Mais force est de constater que cette intransigeance de la CEDEAO ne décourage pas les violations constitutionnelles et les coups de forces militaires.

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Depuis 2020, c’est le Mali qui a donné le ton. Et toutes les interventions de la CEDEAO n’ont pas empêché les militaires d’opérer un deuxième coup d’Etat. Aussi, les sanctions, économiques et de suspension du Mali de l’organisation, ont été levées suite à l’engagement des militaires sur la voie d’une transition de 18 mois. Mais jamais la situation d’avant le putsch n’a été rétablie. Aujourd’hui, il apparait que la même CEDEAO ne croit plus à la fin de la transition dans ce délai. Comme quoi, les militaires putschistes ont réussi à damner le pion à l’organisation sous régionale.

La même situation se produit, une année après, en Guinée avec le renversement du président élu, Alpha Condé. Et cette fois-ci, il n’est pas question du rétablissement du président déchu dans ses fonctions. La CEDEAO n’a pas ces moyens de pression. En outre, face aux putschistes guinéens, l’organisation n’ose pas des sanctions économiques. Elle se contente de suspendre le pays de ses instances et y envoie une mission diplomatique.

Une CEDEAO, de plus en plus décriée

Les coups d’Etat militaires au Mali et en Guinée ont été suivis d’une liesse populaire. Les populations africaines deviennent donc favorables à ce que des militaires renversent des chefs d’Etats, démocratiquement élus. La vérité est que les peuples ne croient plus en la démocratie des élections.

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De plus, il est devenu courant de constater dans plusieurs pays de la CEDEAO, dont la Guinée, des révisions constitutionnelles contre vents et marées. Ces révisions contestées dans les rues avec à la clé, beaucoup de morts, visent principalement à sauter le verrou constitutionnel du nombre de mandats. Ceci pour permette au président en exercice, de rempiler pour de nouveaux mandats.

Ces manœuvres qu’on peut qualifier de coups d’états constitutionnels n’ont jamais été empêchées par la CEDEAO qui a visiblement voire implicitement toujours laissé faire. Et ceci malgré le nombre de dégâts que cela occasionne. Ce qui constitue des motifs aux militaires et confirme plausiblement la thèse du Dr Mounirou SY : « tant qu’il y aura des coups d’Etat constitutionnels, il y aura toujours des coups d’Etat militaires ». La volonté des chefs d’Etat de s’éterniser au pouvoir contre la constitution et les pressions populaires est un signe du recul de la démocratie fragile africaine.

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Et comme le précise Alioune Tine, le président du think tank Afrikajom, « le retour des coups d’État militaires, des autoritarismes et les impasses politiques partout sont un indicateur de la détérioration de la situation politique et sociale en Afrique de l’Ouest ». Ce dernier précise qu’il faut « réfléchir sur les pathologies et dysfonctionnements démocratiques qui créent les coups d’État et leur trouver les bonnes réponses. »

C’est à cet exercice que devrait s’atteler la CEDEAO au lieu de laisser passer les coups d’Etat constitutionnels, au risque de se faire devancer par les militaires dans les pays.

Esso A.