Diplomatie/Brouille entre la France et la Turquie : vers une rupture des relations diplomatiques ?

Brouille entre la France et la Turquie

Depuis quelques jours, est perceptible une brouille entre la France et la Turquie. Plus rien ne marche entre le Président turc et de son homologue français. En novembre 2019, M. Erdogan avait déjà mis en cause la santé mentale d’Emmanuel Macron. Ceci, en répliquant aux propos du président français sur la « mort cérébrale » de l’OTAN. Il l’invitait à « examiner sa propre mort cérébrale ». Des insultes et des provocations d’Erdogan, il y en a eu quasiment « toutes les semaines cet été », admettait-on samedi dans l’entourage du président Macron. Ce qui changerait cette fois, c’est « le contexte » qui va influencer les relations diplomatiques de ces deux pays.

C’est une première dans l’histoire des relations entre la France et la Turquie. Paris a rappelé son ambassadeur à Ankara. Une façon de protester contre les propos de Recep Tayyip Erdogan. Le président turc a mis en cause la santé mentale d’Emmanuel Macron après ses propos sur les caricatures du prophète Mahomet. Une attitude jugée d’« inacceptable » par l’Elysée.

Les sources de la brouille entre la France et la Turquie

La brouille entre la France et la Turquie a apparemment débuté le 2 octobre dernier, lorsque  le président Macron a présenté les grandes lignes d’une loi visant à lutter contre le séparatisme. Cette loi sera présentée au parlement en décembre prochain.

Parmi ces grandes lignes, il y a la signature d’une « charte de la laïcité ». Mais, tout porte à croire que l’Islam a été directement visé. Plus clair, le conseil français du culte musulman entend structurer l’Islam en France, ceci par la formation des imams.

Ces annonces ont été immédiatement critiquées par les responsables turcs. Pour ces derniers, la déclaration de Macron sur son intention à bâtir « un islam des lumières » est irrespectueuse envers les musulmans et constituent une provocation.

Deux semaines plus tard, un professeur d’histoire géographie, Samuel Paty, a été décapité par un djihadiste d’origine tchétchène. C’était le 16 octobre, à Conflans-Sainte Honorine, près de Paris.

Le 21 octobre, Jean Yves Le Drian, chef de la diplomatie française, a taclé l’islam radical. C’était lors d’une audition au Senat. « L’islamisme radical, c’est la négation de la liberté de conscience, de la possibilité du dialogue dans la tolérance (…) », a-t-il déclaré. La mise en place d’une cartographie en temps réel des réactions internationales a été aussi évoquée.

Jean Yves Le Drian a également fait cas des silences éloquents et a mis la Turquie dans ce lot. Or, en réalité, le président turc n’était pas resté silencieux. Lors d’une intervention télévisée, le 24 octobre, il s’en est de nouveau pris vigoureusement à Emmanuel Macron.

Lors de l’hommage national rendu à Samuel Paty, le chef de l’Etat avait défendu la liberté d’expression et donc le droit de produire des caricatures.

« Tout ce qu’on peut dire d’un chef d’Etat qui traite de cette façon des millions de membres d’une communauté religieuse différente de cette manière, c’est aller d’abord faire des examens de santé mentale », a lancé le président turc. « Macron a besoin de se faire soigner. (…). Quel problème a l’individu nommé Macron avec l’Islam et avec les musulmans ? », s’est-il interrogé.

Rappel de l’ambassadeur de France pour consultation

Face à cette brouille entre la France et la Turquie, l’Elysée ne pouvait que réagir. Selon la présidence française, « les propos du président Erdogan sont inacceptables. L’outrance et la grossièreté ne sont pas une méthode ». « Nous exigeons d’Erdogan qu’il change le cours de sa politique, car elle est dangereuse à tous points de vue », a-t-elle ajouté. « Nous n’entrons pas dans des polémiques inutiles et n’acceptons pas les insultes », a-t-elle finalement répondu.

Puis, fait pas si rare, M. Le Drian a fait savoir que « l’ambassadeur de France en Turquie a en conséquence été rappelé ». Et qu’il est rentré à Paris dimanche pour consultation.

Pour la France, la Turquie n’a pas démontré sa condamnation et sa solidarité après l’attentat de Conflans Sainte-Honorine. De surcroit, depuis quelques jours, une propagande haineuse et calomnieuse contre la France témoigne d’une volonté d’attiser la haine contre elle.

Dans cette brouille entre la France et la Turquie, des insultes directes contre le président de la République ont été exprimées au plus haut niveau de l’Etat turc. « Ce comportement est inadmissible, a fortiori de la part d’un pays allié », a justifié le chef de la diplomatie française.

Dans les relations diplomatiques, la convocation de l’ambassadeur d’un pays pour lui faire passer un message est le premier niveau de protestation. Le rappel d’un ambassadeur « pour consultation » est la seconde étape. C’est une procédure qui n’est pas aussi rare. La France y avait recours avec l’Italie en 2018.

Si les relations se dégradent encore, il peut être décidé l’expulsion de diplomates, puis la fermeture de l’ambassade établie dans le pays avec lequel il y a un différend.

En dernier lieu, il peut se produire une rupture des relations diplomatiques.

Depuis le discours d’Emmanuel Macron à la Sorbonne, les appels au boycott des produits français se multiplient. Ceci, dans une partie du monde arabe. Un rappel entendu, par exemple au Qatar, où les marchandises en provenance de France ont été retirées des rayons.

Dans la bande de Gaza, les partisans du Hamas ont aussi dit leur indignation et ont brulé des photos du président français. Mais, pas plus que dimanche, le Président Erdogan appelle à nouveau Macron à faire examiner sa santé mentale. Ce qui complique la situation.