60 ans de l’Union africaine : le diplomate sénégalais Tidiane Gadio dénonce le morcellement du continent

60 ans de l’Union africaine - le diplomate sénégalais Tidiane Gadio dénonce le morcellement de l'Afrique

Ce 25 mai, l’Organisation de l’unité africaine (OUA) devenue Union africaine (UA) fête ses 60 ans. Mais ce jubilé de diamant, au lieu de matérialiser davantage l’union entre les différents pays du continent est caractérisé par un malheureux morcellement de l’Afrique. Une balkanisation que le diplomate sénégalais Cheikh Tidiane Gadio a dénoncé au micro de Rfi.

L’OUA a été créée le 25 mai 1963 à Addis-Abeba en Éthiopie, c’est-à-dire trois ans après les indépendances de nombreux pays africains. Le rêve de ces initiateurs était de voir tous ces pays s’unir pour ne former qu’un, bien que certains voulaient y aller en douceur alors que d’autres espéraient une marche rapide vers l’union. 60 ans après, force est de constater qu’on est bien loin du rêve des pères fondateurs, d’autant plus que le continent compte aujourd’hui plus de pays qu’il n’en comptait en 1963.

Morcellement de l’Afrique

A l’occasion des 60 ans de l’unité africaine, le chef de la diplomatie sénégalaise de 2000 à 2009, Cheikh Tidiane Gadio, a fait un bilan négatif de ce concept à l’origine de la création de l’organisation africaine. Ce dernier a rappelé qu’en 2013, lors des 50 ans de l’organisation il avait déjà dénoncé l’accélération de la cadence de « l’hyper balkanisation » du continent, c’est-à-dire le morcellement de l’Afrique.

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En effet, de 32 États en 1963, on est passé à 54 en 2013. Et avec ce qui se passe aujourd’hui, le diplomate sénégalais estime qu’il n’y a pas encore de dynamique allant dans le sens de l’arrêt du morcellement de l’Afrique pour construire les États-Unis. Pour illustrer ses craintes, le diplomate prend l’exemple du Soudan, qui était le plus grand pays d’Afrique.

Face aux difficultés du pays, les occidentaux avaient soutenu qu’il faut en découper une partie « comme au temps du partage de Berlin » pour en faire un autre pays, le Soudan du sud. Mais le découpage n’a pas empêché la guerre et les plus de 300.000 morts au Soudan du sud ainsi que plus de 4 millions de déplacés. « La situation est devenue plus catastrophique qu’elle ne l’était », a regretté M. Gadio qui constate que personne n’a fait son auto-critique dans cette affaire.

La balkanisation n’est pas la solution

« Régler les problèmes de l’Afrique par la balkanisation, c’est le passif politique, économique, le plus grave que le système colonial nous a laissé » a dénoncé le diplomate. La France colonisatrice, en se retirant de l’Afrique s’est organisée pour démanteler l’AOF, l’AEF, qui étaient des exemples louables de fédérations. A la place, elle a laissé des « États nains et des États non viables », a-t-il ajouté.

Cheikh Tidiane Gadio

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Aussi M. Gadio a-t-il plaidé pour un arrêt des autres initiatives tendant à perpétuer le morcellement de l’Afrique pour qu’on ne se retrouve pas avec 80 États. C’est le cas du Sahara occidental, que Cheikh Tidiane espère que le Maroc pourra régler à l’intérieur de ses frontières, malgré les divisions dans l’UA.

C’est pareil pour l’Azawad au Mali, qu’on tente de rendre indépendant, la Casamance au Sénégal et même des initiatives tendant à morceler la RDC ou le Nigéria. Le morcellement de l’Afrique est « le comble de l’incohérence, qu’on nous laisse ensemble », a-t-il lancé en conclusion au micro de Rfi.

Esso ASSALIH