RDC: pillage des fonds du Sénat

Pillage des fonds du Sénat

En RDC, depuis l’arrivée au pouvoir de Félix Tshisekedi, les scandales financiers ne cessent de se multiplier. Pour cette fois, il s’agit du pillage des fonds du Sénat en particulier la gestion des deux chambres du Parlement. C’est dans cette logique que l’Inspection générale des finances (IGF), chargé de faire la lumière sur ces scandales est en passe de boucler l’enquête. Au cœur de ce pillage des fonds du Sénat, s’illustre le président sortant Alexis Thambwe Mwamba, un proche de l’ancien chef de l’État, Joseph Kabila. Alors que ce mardi 2 mars 2021 devrait être élu et investi le nouveau bureau définitif du Sénat, RFI a enquêté sur le pillage des fonds du Sénat. Voici une partie de cette enquête.

Depuis janvier 2021, ces deux hommes, proches de l’ancien chef de l’État Joseph Kabila, font l’objet de sérieuses accusations de corruption et de détournements de deniers publics de la part de la justice et de l’Inspection générale des Finances (IGF). Ils ont l’un comme l’autre démissionné, à la suite de pétitions mentionnant la mauvaise gestion ou pillage des ressources. Le second, Éric Rubuye, est même en fuite. Il a quitté le pays après avoir échappé à une tentative d’arrestation

Un élu défend Alexis Thambwe Mwamba et d’Éric Rubuye dans l’affaire de pillage des fonds du Sénat

Même si ce vieux élu a été longtemps membre quoique de la même coalition politique, il se défend d’être un partisan d’Alexis Thambwe Mwamba ou encore d’Éric Rubuye, respectivement président et questeur du bureau sortant du Sénat de la République démocratique du Congo (RDC).

« N’importe quel bureau soumis à un contrôle sérieux pourrait être jeté en prison. C’est la réalité de nos institutions. Tout se paie ici, et en cash. Il n’y a pas un acte ou un vote qui ne soit pas monnayé par les sénateurs et les députés d’une manière ou d’une autre ». C’est ce qu’a déclaré un vieux routier du Parlement congolais sur cette affaire de pillage des fonds du Sénat.

« Je ne dis pas qu’ils ne méritent pas ce qui est en train de leur arriver, j’insiste juste sur le fait que le mal est plus profondément ancré. S’il n’y avait pas eu de crise entre le président Tshisekedi et son prédécesseur, les évènements de début janvier, malgré leur gravité apparente, seraient restés un non-évènement », a encore ajouté le vieux sénateur.

Cependant, selon les confrères de RFI, le 5 janvier, jour de la tentative d’arrestation, le questeur avait commencé à distribuer 10 000 dollars en liquide à des sénateurs, en puisant dans les arriérés de frais de fonctionnement payés quelques jours plus tôt par le Trésor public. La même source rapporte que le 6 janvier, plus de trois millions de dollars avaient été retirés d’un des comptes du Sénat et ramenés au domicile de son président, au lieu d’être consignés dans son coffre-fort, au Palais du peuple, siège du Parlement à Kinshasa.

Depuis, les révélations se multiplient sur la santé financière du Sénat, sur ses dettes envers le système bancaire ainsi que certaines entreprises privées.

A l’époque, la guerre pour le contrôle de la chambre haute a déjà commencé en janvier 2021. Une pétition vient d’être déposée contre le Premier vice-président du Sénat, Samy Badibanga, un proche du président Félix Tshisekedi.

Ce mardi 2 mars, devrait être élu et installé un bureau essentiellement désigné par sa nouvelle coalition, l’Union sacrée.

Une affaire purement politique ?

« Toute cette affaire est politique. Éric Rubuye avait déjà reçu des menaces par téléphone de personnes l’appelant en numéro caché. On lui promettait d’aller à Makala, s’il ne coopérait pas. C’est un des fidèles de Thambwe Mwamba qui se battait pour empêcher qu’il tombe. En s’en prenant à lui, c’est Thambwe Mwamba que l’on visait. À cette époque-là, on vous proposait tout, de l’argent, des postes, pour rejoindre l’Union sacrée. Lui a refusé », affirme encore ce membre du bureau sortant.

Cette version est rejetée par un proche de Samy Badibanga, Premier vice-président du Sénat.

« Quand les gens de Thambwe Mwamba ont été pris sur le fait, ils ont commencé à distribuer l’argent à tout le monde pour cacher le motif réel. Connaissant son objet, Samy Badibanga a renvoyé cet argent. Tout le monde sait qu’il devait servir à corrompre ceux qui pouvaient voter en faveur de sa destitution quand le vice-président, lui, travaillait dans l’ombre à la destitution des six autres membres du bureau », rétorque-t-il.

Certains sénateurs eux-mêmes, évoquent un pot-de-vin pour signer la pétition contre Samy Badibanga, d’autres, une avance sur un prêt individuel de 100 000 dollars

« On allait racheter les crédits de ceux qui en avaient et en octroyer à ceux qui n’en avaient pas », explique encore le membre du bureau sortant, évoquant un souci de justice. Jusque-là, sur 109 sénateurs, seuls 65 bénéficiaient d’un crédit bancaire dont 45 à Afriland First Bank CD. « La BCDC avait accepté le projet. On ne pouvait pas le faire avec Afriland qui avait aussi accordé beaucoup de crédits aux députés et qui rencontrait déjà des problèmes pour en obtenir le remboursement », ajoute-t-il.

Là encore, l’explication est loin de satisfaire le camp de l’Union sacrée. « Je ne comprends pas bien comment on peut faire une avance sur un prêt qui n’a pas été formellement contracté, en prenant l’argent sur les arriérés de frais de fonctionnement du Sénat », s’interroge l’un de ses sénateurs. Ce dernier reconnaît avoir entendu parler de ce projet dès le mois de décembre et s’en être méfié: « On devait rembourser 3 700 dollars sur 3 ans, soit plus de 130 millions. À la banque, le taux était de 14 %, donc le bureau devait empocher la différence », a-t-il souligné.

Pour le membre du bureau d’Alexis Thambwe Mwamba, l’explication est toute simple. Le remboursement devait être dégressif au fil des ans et serait prélevé à la source sur le salaire mensuel des sénateurs.

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