Cinéma sénégalais : difficile conciliation entre la religion et le septième art

Cinéma sénégalais , difficile conciliation entre la religion et le septième art

Donner libre cours à l’imaginaire, est un luxe que le cinéma sénégalais peine pour le moment à s’offrir. A l’inverse de son cousin Nollywood au Nigeria, qui mise sur le sensuel, le septième art sénégalais doit composer avec une société conservatrice. Le dépassement de la ligne rouge est préjudiciable pour les professionnels du cinéma qui se retrouvent sous le coup d’accusations de pornographie.

Une nouvelle série télévisée vient de faire les frais de l’intransigeance de la société sénégalaise vis-à-vis des scènes érotiques. Cette fois-ci, l’affaire a pris des tournures pénales démontrant la résistance à une créativité trop fertile.

L’ONG islamique Jamra scrute le cinéma sénégalais

L’Organisation Non Gouvernement (ONG) Jamra est le fer de lance de cette chasse aux scènes érotiques dans le cinéma sénégalais et les séries télé sont les productions les plus épinglées. En 2020, une série dénommée Infidèles, était au cœur d’une vive polémique.

Traitant d’infidélité dans le couple, certaines séquences de la série ont été jugée obscène par Mame Moctar Gueye, vice-président de l’ONG islamique Jamra. Ce dernier avait saisi le Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel (CNRA), le gendarme du cinéma sénégalais. Pour lui, « c’était de la pornographie verbale, du langage obscène et que les enfants n’avaient aucune protection » nous rapporte Rfi.

Bien que la chaîne télé diffusant la série s’est défendue de n’avoir pas diffusé ces scènes, elles se sont tout de même retrouvées sur les réseaux sociaux où la série est diffusée en exclusivité. La série a été classée moins de 16 ans, sa diffusion limitée après 22h30 et une partie des prochains épisodes devaient être revus.

Mais les promoteurs de la série n’ont pas tenu leur engagement et une nouvelle scène de la série sur le net a provoqué le dépôt de trois plaintes de l’ONG en juillet 2021. Le CNRA, à travers un communiqué, a interdit la diffusion de la saison 3 de ladite série sur les chaines de télévisions sénégalaises, renseigne le site d’informations sunubuzz.

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Nouvelle défiance des professionnels du cinéma sénégalais

La détermination des responsables de l’ONG à protéger les mœurs de la société n’a d’égal que la ténacité des acteurs du cinéma sénégalais. L’affaire concernant la série « Infidèles » était toujours pendante que la bande annonce d’une nouvelle série fait irruption sur la toile, ces derniers jours.

La nouvelle série Cirque noir, qualifiée de « pire qu’Infidèles » par le site d’information senegalactu a provoqué le courroux de l’ONG JAMRA, mais aussi du Comité de Défense des Valeurs Morales (CDVM) et l’ONG DQWI (Daral Qurane wal Ikhsane). Ces derniers ont déposé une plainte le 11 août dernier, devant la division de lutte contre la cybercriminalité de la police, puisque la diffusion s’est limitée aux réseaux sociaux, non couverts par le CNRA.

Les producteurs, scénaristes et des acteurs de ladite série ont été arrêtés le 16 août. Certains sont déférés au parquet et poursuivis pour attentat à la pudeur, outrage public et diffusion d’images contraires aux bonnes mœurs. La bande annonce de cette nouvelle série qualifiée de « pornographique » a provoqué une vague d’indignation dans le pays. Un fait qui dénote du caractère conservateur de la société sénégalaise.

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Orientation du cinéma sénégalais jugé contraire aux valeurs sociétales

La mission que s’est confiée l’OND JAMRA bénéficie assurément du soutient d’une bonne partie de l’opinion sénégalaise. L’indignation provoquée sur les réseaux et dans la société par « Cirque noir », en est la preuve. Des internautes parlent de « perversion » qui « banalise la sexualité ». L’arrestation des personnes impliquées dans cette série a suscité des commentaires de satisfaction sur la toile.

C’est dire que les « valeurs socio-culturelles », sont sacro-saint au pays de Senghor, et que le cinéma ne pourrait déroger à la règle. Même la célèbre série « Maîtresse d’un homme marié », a reçu des critiques de JAMRA, qui l’a accusé de faire la « promotion de l’adultère et de la fornication ».

Mais, les acteurs impliqués dans le cinéma sénégalais montrent de plus en plus une volonté de briser les barrières, et certains acteurs ne s’en excusent pas. Is sont soutenus par certains internautes qui dénoncent une atteinte à la liberté de création. Le conflit entre cinéma et la religion est bien profond au Sénégal.

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Esso A.