Décès de Mgr Laurent Monsengwo : comment est-il devenu le chantre de la démocratisation ?

Décès de Mgr Laurent Monsengwo , comment est-il devenu le chantre de la démocratisation

Six jours après son évacuation à Paris, le cardinal Laurent Monsengwo Pasinya est décédé, dimanche 11 juillet 2021. L’archevêque émérite de Kinshasa s’en est allé à l’âge de 81 ans après avoir joué un rôle de premier plan sur la scène politique de son pays.

Mgr Laurent Monsengwo avait été évacué lundi en France « dans un état critique », selon son diocèse, pour des soins appropriés. Les causes de son décès n’ont pas été précisées.

Parcours de l’aiguillon du pouvoir congolais

Le cardinal Fridolin Ambongo, archevêque de Kinshasa, « a la profonde douleur d’annoncer à la communauté chrétienne catholique et à toutes les personnes de bonne volonté le décès du cardinal Laurent Monsengwo, ce dimanche 11 juillet en France (Versailles) ». C’est par ce communiqué que l’archidiocèse a annoncé la nouvelle.

Né le 7 octobre 1939 à Inongo dans la province de Mai-Ndombe (ouest de la RDC), Laurent Monsengwo Pasinya a été ordonné prêtre en 1963, puis évêque en 1980 par le pape Jean-Paul II à Kinshasa. Il est d’abord évêque auxiliaire d’Inongo, puis muté en 1981 à Kisangani en province Orientale (nord-est) comme évêque auxiliaire. Sept ans plus tard, il est porté à la tête de l’archevêché de cette ville.

Véritable critique à l’endroit des différents pouvoirs en RDC, jusqu’à sa mort, c’est lui qui avait introduit le mot « démocratisation » dans le discours de l’Église catholique au Congo dans les années 1980. Alors qu’il était président de la conférence épiscopale nationale, il a joué un rôle majeur dans l’ouverture démocratique au début de la décennie 1990.

La même année, il a été l’initiateur d’un mémorandum demandant plus de libertés au maréchal Mobutu, au pouvoir depuis près de 30 ans. Ainsi, quand il a été question d’organiser une Conférence nationale cette année, le maréchal Mobutu avait en vain essayer d’éviter la désignation de Laurent Monsengwo à sa tête.

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Une détermination sans faille

Après la chute de Mobutu, Monsengwo a gardé sa verve contre les différents pouvoirs de Kabila père et fils. Il devra, pour sa sécurité, vivre pendant un temps hors de Kisangani ; après avoir dénoncé les crimes commis dans sa ville, par les belligérants de la deuxième guerre du Congo (1998-2003). À la fin de la guerre, il ne participe pas à la transition politique mais reste critique envers le pouvoir

 

Sous son impulsion, l’Église catholique, lance régulièrement des mises en garde au pouvoir.

En 2011, le cardinal conteste la réélection de Joseph Kabila, en estimant que les résultats de la présidentielle de novembre ne sont « conformes ni à la Vérité, ni à la Justice ». Ses détracteurs l’accusent d’être proche de l’opposition, ou de jouer le jeu des Occidentaux : d’être « un Blanc à la peau noire ».

En 2017, après des tueries de manifestants, il lança en conférence de presse, à l’endroit du pouvoir « que les médiocres dégagent ! ».

Son combat lui a valu un livre autobiographique des écrivains Roger Gaise et Isidore Ndaywel qui y décrivent Laurent Monsengwo comme « un personnage incontournable, le cerveau moteur de la poussée vers la démocratie ».

Les hommages à l’annonce du décès de laurent Monsengwo

À l’annonce de la mort de Laurent Monsengwo, les cloches de la cathédrale Notre-Dame du Congo ont retenti. Un sacristain est venu installer l’effigie du prélat défunt à l’autel. Les évêques de France ont salué un « homme de paix », qui s’est « inlassablement engagé pour le dialogue et la réconciliation dans son pays ».

Sur Twitter, le chef de l’État, Félix Tshisekedi a rendu hommage à ce « Prince de l’Église qui œuvra longtemps au service du peuple » et « fut l’un des acteurs majeurs de la démocratisation de notre pays ».

« Toute votre vie vous avez mené le juste combat. Contre vents et marées, vous êtes resté un berger courageux attaché à cultiver l’amour entre tous les Congolais, a pour sa part réagi Moïse Katumbi. La justice sociale était votre idéal. À nous de le perpétuer. »

L’opposant Martin Fayulu s’est dit « atterré » par l’annonce du décès de celui qui était « le ciment de la cohésion nationale ».

Esso A.