Centrafrique: des présumés criminels de guerre à la barre, pour légitimer la Cour pénale spéciale

Centrafrique: des présumés criminels de guerre à la barre, pour légitimer une cour pénale spéciale sept ans après sa création

Il aura fallu attendre sept ans, pour que la cour pénale spéciale tienne enfin son premier procès. Ce mardi 19 avril, cette cour créée en 2015 à Bangui en Centrafrique devrait confronter ses premiers accusés.

Juridiction hybride composée de magistrats locaux et internationaux, la cour pénale spéciale a fait l’objet de nombreuses critiques pour son manque d’efficacité. Créée avec le soutien de l’ONU, elle a pour mandat d’enquêter et de poursuivre les violations graves des droits humains commises dans le pays depuis 2003, mais a connu beaucoup d’embûches sur son parcours.

Trois accusés à la barre

Le procès qui s’ouvre ce mardi constitue pour la cour pénale spéciale un test crucial. Créée en 2015, ses premiers travaux n’ont pu être lancés qu’en octobre 2018 avec les premières enquêtes. Ce sont elles qui ont abouti à la comparution ce mardi de trois accusés de crimes contre l’humanité.

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Devant les magistrats nationaux et internationaux, originaires notamment de la France, du Togo et de République démocratique du Congo, vont comparaître Issa Sallet Adoum, Ousman Yaouba et Tahir Mahamat. Tous membres des 3R (retour, réclamation et réhabilitation), l’un des puissants groupes armés qui terrorisent la population, ils sont soupçonnés d’avoir participé au massacre de 46 civils dans des villages du nord-ouest du pays, en mai 2019.

Pour l’ONG Human Right Watch, au-delà des deux enquêtes ouvertes dans ce pays par la Cour pénale internationale, les procès ouverts par la Cour pénale spéciale vont permettre «d’élargir le champ des personnes qui seront amenées à rendre des comptes pour les atrocités commises».

Une quête de légitimité pour la Cour pénale spéciale

La Cour pénale spéciale mise en place par le gouvernement centrafricain soutenu par l’ONU, n’a pas la latitude d’actions selon certains observateurs. Ils doutent de la volonté du pouvoir centrafricain de permettre des poursuites. Un récent épisode vient appuyer leur critiques. En effet, en novembre dernier, le ministre de la défense Hassan Bouba, est arrêté par les policiers de la Cps.

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En tant que ex-chef rebelle, il était soupçonné, selon l’ONG américaine The Sentry, d’avoir joué un rôle dans l’attaque d’un camp de déplacés en novembre 2018 occasionnant la mort d’au moins 112 villageois, dont 19 enfants. Mais quelques jours plus tard, des gendarmes vont empêcher sa présentation à un magistrat en l’exfiltrant de sa prison et le ramenant à son domicile.

Il sera par la suite décoré par le chef de l’Etat de l’Ordre national du Mérite.Cet épisode avait été qualifié d’«évasion organisée», par des défenseurs des droits de l’homme. «La CPS se heurte à des obstacles dressés par le pouvoir, parfaitement illustrés par l’affaire Hassan Bouba», a aussi déploré Nicolas Tiangaye, avocat et porte-parole de la Coalition de l’opposition démocratique 20-20. La route est encore longue pour la Cps qui vient de reporter sa première audience au 25 avril, selon des informations obtenues par France 24. La cause en serait le boycott des avocats

Esso A.